12/02/2014

Descente de croix pierre de crazanne

Descente de croix pierre de crazanne

Descente de croix pierre de crazanne

Descente de croix pierre de crazanne


Descente de croix. Dieu s’est planté. Il a cassé le rêve. Dieu n’a pas tenu ses promesses, et laisse l’homme en proie à sa propre condition. Dieu s’abandonne et abandonne. Il a laissé croire en lui et se dérobe .Dieu cesse de croire en lui .Il se retire.

Descente de croix. Plus personne ne comprend rien. Pas de résurrection imaginable. Les hommes ont fuit. Restent les femmes, en familiarité, depuis toujours, avec la mort. Et saint Jean, le plus féminin des apôtres, qui doit bien s’occuper de sa mère adoptive.

Descente de croix. Un éternel présent qui absorbe, qui tourmente, qui dévore. Un creux sans sens. Un puits sans fond. Plus rien ne tient. Pourtant, ça tient. Contre tout espoir. Contre toute logique.

Descente de croix. Attendre les rituels d’inhumation. Supporter l’intermédiaire, le moment où le mort n’est plus vivant mais pas encore tout à fait mort. Il erre entre deux monde, déjà absent et encore totalement présent. Quand, depuis son absence, il ne vous parle que de lui et finalement que de vous, vous infligeant le spectacle de votre propre limite. Dieu descend aux enfers et vous y emporte par anticipation.

Descente de croix. Assumer l’éternel présent. Tout est trop plein et rien ne se passe. Temps suspendu, féroce de densité. Temps que rien ne peut distraire. Temps qui écrase. Qui vous laisse vivant, juste pour vous faire sentir mort. Qui vous fait mesurer, rétrospectivement, l’appétence à l’insouciance quotidienne. Temps qui s’impose, qui vous en impose, qui vous confronte à votre finitude. Temps qui vous fait découvrir l’impuissance comme fondement de votre présence au monde.

Descente de croix. Désir de consoler, d’être consolé. Impossible des deux et traversée de ça. Volonté d’humaniser l’inhumain, de molletonner l’horreur, d’entourer, d’aplanir, d’adoucir, d’atténuer, de limiter, de border, d’envelopper.

Descente de croix. Un univers sans mot. De la sensation brute .Le retour de la brute dans l’homme. Avant les mots. Quand la vie n’était que pesanteur, froid, chaleur, odeur, toucher. Trop de sensations que rien n’ordonnait.
Descente de croix. L’homme a délaissé sa tête. Il pense avec son ventre. Sensorialité animale, pensivité. Vivre pèse. Les artifices du langage sont inactivés. Retour aux origines.

Descente de croix. Sculpter cet instant. Partir du ventre, pour laisser sortir les courbes qui pourraient en dire quelque chose. Faire advenir le monde d’avant les mots. Chercher la rondeur, les axes, tordre les lignes et les faire se rencontrer, organiser le vide, jouer sur les ombres, entrecroiser les mouvements, faire jaillir les volumes et les faire se parler. Trouver la musique de la pierre et  mettre en avant les rythmes. Travailler le grain, le poli, la structure et la forme. Se colleter à la matière, et laisser l’originel reprendre sa place. Sculpter, c’est être en nostalgie de cet avant les mots. C’est tenter de  lui redonner statut ,existence, consistance. Pour autant, le monde d’avant les mots n’a d’existence qu’à être pris dans les mots, tant rien n’existe sans mot. Une sculpture non parlée reste dans les limbes. Elle a besoin de croiser d’autres regards que celui du sculpteur, de vivre sa vie propre dans l’énigme de ce qu’elle peut susciter, d’être touchée, caressée par d’autres mains,d’être montrée, donnée, offerte. D’être en résonance à l’univers d’un autre.

Descente de croix. Témoigner de la mort qui s’encourbe dans la vie. Laisser trace, depuis l’éphémère d’une existence, dans le temps long du minéral. S’abriter derrière cette temporalité. Y trouver refuge. Se lover, s’enrober, s’enrouler dans la pierre. N’être plus qu’une main qui explose, qui casse, qui taille, qui rectifie, qui adoucit, qui polit. N’être plus qu’une main qui ponce, millimètre après millimètre carré, une surface infiniment perfectible. Finir par être et cette surface, et la main qui ponce. Etre au service de la pierre, en vigilance à ses défauts, en docilité pour ce qu’elle est.

Se taire et la laisser parler…


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